Les logiciels libres, « seule alternative viable » pour la souveraineté numérique

Avec un tel titre, je ne pouvais pas m’empêcher de reproduire cet article en entier. Il provient d’un commentaire paru le dimanche 26 juin 2016 sur le site ZDNet (que je remercie au passage), lui-même inspiré par une tribune du Monde datée du jour d’avant. Ces informations sont fortement teintées de politique française, certes, mais elles s’appliquent finalement tout aussi bien à d’autres pays et cultures.

Informaticien et commissaire à la Cnil, François Pellegrini plaide pour une priorité aux logiciels libres afin d’assurer une souveraineté numérique réelle.

Le concept du « cloud souverain » est né d’une « stratégie colbertiste anachronique selon laquelle il s’agirait de construire quelques forteresses pour barrer l’accès à notre territoire », observe François Pellegrini.

Ce professeur d’informatique à l’université de Bordeaux, libriste [1] (il fut un des acteurs de la lutte contre les brevets logiciels en Europe) et commissaire à la Cnil, l’écrit en introduction d’une tribune dans Le Monde daté du 25 juin, titrée « Souveraineté numérique: Le recours aux logiciels libres constitue la seule alternative viable ».

« Une politique se construit avec des priorités, pas des ‘préférences' »

Il y revient sur l’idée de « système d’exploitation (SE) souverain »:

« La souveraineté numérique impose de doter nos administrations, entreprises et citoyens d’une infrastructure informationnelle loyale. Pour autant, financer un SE made in France spécifique n’a aucun sens, car aucun éditeur n’adaptera jamais ses logiciels à un si faible marché. Le recours aux logiciels libres constitue la seule alternative viable. »

François Pellegrini rappelle les atouts des logiciels libres (mutualisation des coûts de développement, pérennité, emploi local, audit et amélioration des codes). Et fait allusion au projet de loi République numérique (et au simple « encouragement » aux logiciels libres):

« Promouvoir la souveraineté numérique tout en refusant la priorité au logiciel libre est incohérent. Une politique se construit avec des priorités, pas des préférences. Une telle priorité n’est aucunement contraire à la neutralité technologique des marchés publics. En effet, les licences libres ne sont pas une technologie, mais un mode d’organisation de la création et de la distribution de la valeur. »

Que l’État investisse

Il appelle à ce que l’État investisse « dans le développement et la pérennisation d’un portefeuille de logiciels libres lui permettant de remplir ses missions, en s’appuyant sur un écosystème d’éditeurs et de prestataires de services ». Logiciels qui comprendraient le partage de fichiers avec une « ergonomie performante ». En effet, c’est attirés par cette dernière que les usagers se tournent vers des applications et services gratuits, mais qui conduisent à des fuites massives de données sensibles vers des plates-formes tierces.

L’informaticien rappelle que « d’autres outils incitatifs existent déjà, tel le référentiel général d’interopérabilité (RGI), censé donner la priorité aux formats ouverts. Les caviardages répétés dont le RGI a fait l’objet sont hélas un très bon révélateur des influences soumettant l’intérêt général aux intérêts privés et d’États tiers. »

Et de conclure: « Dans un espace partagé tel qu’Internet, la question de la souveraineté doit être pensée en tant que stratégie de puissance. Gageons que la Nation puisse enfin afficher une vision cohérente sur ce sujet. »


L’analyse est pour le moins pertinente. Avec l’avènement des nouvelles générations de systèmes d’exploitation (au sens propre et figuré) ou services du cloud, fournis par les GAFAM, notre indépendance ainsi que nos données personnelles sont plus que jamais en danger.

Cette problématique inquiétante est liée non-seulement à la globalisation de ce type de services, mais aussi à l’opacité qui règne sur le fonctionnement interne de ces géants du net. Si cette menace est bien réelle pour un État et à tous les niveaux (pays, région, département, canton, commune), elle l’est également pour l’individu-citoyen soucieux de ses données et de sa sphère privée.

La solution passe immanquablement par l’adoption d’un système d’exploitation libre comme GNU/Linux, d’applications libres mais aussi de services internet, proches des gens, libres et transparents, comme le propose l’initiative de Framasoft appelée C.H.A.T.O.N.S : reprenons localement le contrôle de nos données et applications !

Plutôt que de mettre l’accent sur la Nation et au rôle prépondérant de l’État (comme c’est la cas dans l’article), je pense qu’il faut renforcer un périmètre plus restreint, comme la cité, une ville ou une petite région au sein de laquelle les gens peuvent se connaître et nouer des liens de confiance, une réalité qui tend malheureusement à disparaître au profit des clause juridiques et obscure que nous avons pris l’habitude de valider sans les lire, pour accéder à ces nouveaux services gratuits si séduisants.


Références

  1. François Pellegrini est président d’Aquinetic, « cluster en technologies libres et open source en Aquitaine », et vice-président de l’Association bordelaise des utilisateurs de logiciels libres (Abul).

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Logiciels Durables / Logiciels Libres et Développement Durable

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