Dans le cadre d’une présentation TED diffusée en mai 2018, Jaron Lanier, essayiste, pionnier de la réalité virtuelle et chercheur en informatique, explique que le modèle économique des GAFAM n’est tout simplement pas viable. Son témoignage est très éclairant :
Note : vous pouvez afficher les sous-titres en français (premier icône en bas à droite de la vidéo).
Je ne crois pas que notre espèce puisse survivre si on n’y remédie pas [à changer le modèle économique des GAFAM]. On ne peut pas vivre dans une société où deux personnes souhaitant communiquer n’y parviennent que si cette communication est financée par un tiers qui souhaite les manipuler.
Jaron Lanier a d’ailleurs publié récemment un livre intitulé : Ten arguments for deleting your social media accounts right now (source : RTS).
Le message de Jaron Lanier est assez simple à comprendre. La gratuité apparente d’un service pour le consommateur-internaute implique d’autres sources de financement pour payer salaires, datacenters et autres infrastructures fort coûteuses. Il s’agit bien sûr de la publicité ciblée, mais également et de plus en plus, de la manipulation de masse.
Là où la théorie de Jaron Lanier semble moins convaincante, c’est dans les solutions qu’il préconise. Faire payer le service, c’est une composante évidemment nécessaire. Cependant, on le voit maintenant, des services de type cloud font payer la prestation au consommateur tout en poursuivant en parallèle leur stratégie de captage et de commerce des données personnelles. Ce modèle économique est bien trop lucratif et générateur d’un certain pouvoir pour que ces acteurs s’en éloignent.
Il est donc clair que leur modèle économique est dangereux à long terme pour la société. Mais ce n’est pas tout.
- La taille financière et l’influence de ces géants va provoquer de profonds déséquilibres dans la société, que ce soit socialement (pertes d’emplois locaux dans l’informatique) ou dans la gouvernance des États (lobbying, influence sur les exécutifs). De plus, le monopole formé par ces géants implique une perte massive de diversité technologique (monoculture numérique), ce qui représente un danger important d’effondrement de nos sociétés. Ou comment mettre tous nos œufs dans le même panier !
Note : au début du mois d’août 2018, Apple atteignait plus de 1’000 milliards de dollars de capitalisation boursière (source : capital.fr). - Les solutions cloud proposées par ces GAFAM sont généralement privatives et opaques. Quoi qu’ils puissent dire sur la bienveillance de leurs intentions, la société civile n’a pas les moyens de les vérifier.
En d’autres termes, il faut en effet bannir ce modèle économique, mais en parallèle recréer un réseau d’hébergeurs locaux ou régionaux indépendants, les mettre en réseau et proposer des solutions libres et qu’on peut auditer. C’est d’ailleurs ce que propose la charte des CHATONS de Framasoft.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les réseaux sociaux ne doivent pas forcément être gérés par des entreprises centralisatrices internationales. Il est tout à fait possible de mettre en place des réseaux sociaux libres et décentralisés, comme le sont Diaspora et Mastodon. De plus, une nouvelle norme dans l’interopérabilité est en train de se mettre en place : ActivityPub. On peut imaginer ainsi des réseaux sociaux différents, fiers de leurs spécificités locales ou régionales, mais interconnectés avec d’autres réseaux sociaux pour former une toile de communication. Une toile… c’était d’ailleurs l’utopie des créateurs du web. Un web qui perd progressivement les valeurs et le sens qu’il avait au départ et qui n’arrête pas de se concentrer et de se privatiser.
Si nous voulons un internet pluriel, riche et diversifié, nous devons promouvoir ces nouvelles initiatives, locales, libres et respectueuses des individus.