Banana Pi, un micro ordinateur économe et surprenant (2ème partie)

L’année passée, je présentais sur ce blog mes expériences d’installation et d’utilisation d’un Banana Pi avec une distribution GNU/Linux dotée d’un environnement de bureau léger et réactif (voir la 1ère partie). Je m’étais ensuite donné comme objectif d’investiguer un autre type d’utilisation : le NAS (Network Attached Storage). C’est désormais chose faite. Le même Banana Pi est maintenant motorisé avec la distribution OpenMediaVault (OMV), un système libre de gestion de fichiers par le réseau (mais pas uniquement).

Vous verrez dans cet article que ce micro ordinateur a tout ce qu’il faut pour se transformer en véritable serveur réseau, tout en ayant un appétit d’oiseau en matière de consommation électrique. Nous aborderons ensuite un dilemme souvent débattu lorsqu’on s’interroge aux impacts environnementaux de l’informatique : pour ce type de besoin, faut-il privilégier l’achat d’un micro ordinateur neuf, low tech, peu consommateur en énergie et doublement libre (hardware et software) ou préférer la réutilisation d’un vieil ordinateur du bureau de gamme professionnelle, plus gourmand en électricité ?

OpenMediaVault sur Banana Pi

bananas_coteLe but était donc de me doter d’un NAS libre à basse consommation. J’ai donc monté les différents éléments dans un châssis maison en bois, ceci afin de pouvoir le disposer de manière plus sécurisée à côté du routeur internet.
bananas_diskLe boîtier en plastique noir contient le Banana Pi. Il est relié à son disque dur externe (en dessous) via un port SATA. Entre l’alimentation rouge et noire du disque dur, on voir le câble noir de l’alimentation 5V et 3.5A du système complet. Le port RJ45 (déconnecté ci-contre) permet de le brancher au réseau domestique.

L’installation du système se fait simplement en copiant l’image disque fournie par le fabriquant (Lemaker.org) sur la carte MicroSD et de démarrer le système. Les forums sur internet regorgent de tutoriels bien fichus concernant l’installation de la distribution et la configuration de base.

Le démarrage (boot) se fait en 45 secondes environ. Une fois l’installation réalisée, il n’est plus nécessaire d’utiliser la sortie graphique (en ligne de commande) avec le port HDMI. Il suffit de se connecter via un navigateur sur l’adresse IP détectée par votre routeur internet.

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Interface web d’OpenMediaVault, écran affichant le statut système

L’interface web est sobre, très lisible et bien structurée. Elle ressemble à s’y méprendre aux interfaces de gestion habituellement rencontrées sur les NAS commerciaux (avec cependant moins de gadgets visuels). On se rend compte assez rapidement de la richesse fonctionnelle de cette distribution. Elle ne réinvente bien sûr pas toutes les applications, mais elle les met en relations et les interface de manière à faciliter la gestion des différents paramètres.

Les services de base qu’elle propose sont les suivants :

  • Protocole de transfert de fichiers (FTP, File Transfer Protocol)
  • Système de fichiers réseau (NFS, Network File System)
  • Synchronisation de fichiers (Rsync)
  • Samba, accès à des partages réseaux, stockage de fichiers centralisés (SMB/CIFS)
  • Protocole de gestion des équipements réseaux (SNMP)
  • Protocole de communication, notamment pour la gestion de composants informatiques sur le réseau, de manière sécurisée / chiffrée (SSH, Secure Shell)
  • Protocole simplifié de transfert de fichiers (TFTP)

Cette base de travail permet donc la centralisation de fichiers (documents, photos, vidéo,…), la synchronisation avec les postes clients du réseau et la mise à disposition de partages réseaux accessibles aussi bien avec GNU/Linux que Windows ou Mac.

Les comptes utilisateurs et groupes peuvent bien sûr être gérés directement dans l’interface web ainsi que les permissions sur l’arborescence de fichiers et les partages réseaux.

Ce qui est vraiment enthousiasmant dans cette distribution, c’est le principe de plug-ins. En effet, tout comme pour Firefox, vous pouvez installer des plug-ins qui ajoutent chacun une fonctionnalité spécifique. La bibliothèque par défaut propose plus de 40 plug-ins qui étendent considérablement les possibilités de l’application de base. De plus, d’autres sources de plug-ins peuvent même être ajoutées. Enfin, OMV est distribué avec la licence GPLv3, ce qui donne le champ libre à toutes les contributions possibles.

Nous sommes décidément bien dans le monde du libre avec ses mécanismes permettant l’interopérabilité, l’ouverture, la transparence et la participation active de la communauté dans un projet fédérateur.

Je n’ai pour l’instant pu tester qu’un nombre retreint de plug-ins, notamment :

  • Système incrémental de sauvegarde de fichiers, avec historique de modifications (rsnapshot), un peu comme le TimeMachine d’Apple. Le Banana Pi se transforme ainsi en système de backup.
  • Cloud personnel et libre avec le serveur ownCloud. Ce système permet la synchronisation de ses fichiers et d’en garder une copie locale. Un client ownCloud existe pour toutes les plate-formes.

Dans les plug-ins qui titillent ma curiosité, il y a entre autre :

  • Sauvegarde de la configuration (openmediavault-backup) avec possibilité de redémarrer en cas de pépin depuis une distribution live, comme CloneZilla.
  • Serveur d’impression (openmediavault-cups). Comme le Banana Pi dispose de ports USB inutilisés dans cette configuration (pas besoin de clavier ou de souris, vu que toutes les opérations sont réalisées à distance, via le navigateur web ou en ligne de commande par SSH), on peut y brancher une imprimante USB et la partager facilement sur le réseau.
  • Explorateur de fichiers en web (openmediavault-extplorer).
  • Sécurisation des données (openmediavault-greyhole) par un mécanisme de duplication automatique des fichiers sur d’autres supports.
  • Serveur VPN (openmediavault-openvpn) pour établir des tunnels VPN sécurisés dans le cas d’un accès à distance, depuis l’extérieur du réseau.
  • Ajout d’autres serveurs web / CMS (openmediavault-wordpress).
  • Media center léger (openmediavault-minidlna).

Bref, comme vous pouvez vous en rendre compte, les fonctions sont quasi infinies.

Inconvénients de la solution

OMV est un produit extrêmement séduisant et il fonctionne plutôt bien sur le Banana Pi. Il y a cependant bien quelques défauts à constater :

  • La version 2.x est la version stable actuelle (2.1 pour le Banana Pi). Les nouvelles fonctionnalités ne sont plus développées sur cette branche, mais sur la version 3.x, encore en beta. La version actuelle est basée sur une distribution Debian Wheezy et certaines dépendances commencent à dater, comme ownCloud proposé en version 6.x (même s’il est possible de bricoler le système pour avoir une version 7.x), alors que la version 9 vient de sortir.
  • Le système s’installe de manière très automatisée. Alors qu’il est possible de configurer du RAID logiciel pour les disques de données, il n’est pas possible de le faire à l’installation pour le système lui-même, qui se retrouve alors sur un seul disque. On peut le configurer après-coup avec du RAID1 logiciel, mais ce sont des commandes de plus à lancer. Ce défaut n’est pas très problématique pour le Banana Pi dans la mesure où le système s’installe sur la carte MicroSD et que dans ce cas, le RAID logiciel n’est pas adéquat.

Quel matériel choisir ?

Quels sont les contextes appropriés pour un serveur OMV sur un Banana Pi ? Est-il judicieux de l’utiliser pour une petite structure ou doit-il se cantonner aux domaines pédagogiques et expérimentaux ? Sur le plan du développement durable, est-il préférable à d’autres solutions matérielles ? Nous allons comparer dans le tableau ci-dessous deux matériels très différents qui peuvent accueillir le serveur OMV.

Rubriques Banana Pi Dell Optiplex 360
 Type d’ordinateur Micro PC économique, low tech, basse consommation, open hardware. Ordinateur de bureau (workstation) de gamme professionnelle.
 Date de sortie  2014  2008
Caractéristiques principales ARM Allwinner A20 dual core, 1GB RAM DDR3, 1 port SATA2. Intel Core 2 Duo, 4GB RAM DDR2, deux emplacements pour disques durs 3.5 » en SATA2.
Sécurisation technique des données en cas de panne du disque dur Assez compliqué à mettre en place. Une seul disque dur branché. Possibilité de configurer du RAID1 logiciel sur les deux disques durs.
Démarrage (boot)  45 secondes  32 secondes
 Consommation électrique Environ 5W Environ 50W
Prix Environ 200 CHF neuf avec un disque dur récent de 1To. Environ 300 CHF en occasion avec deux disques récents de 1To.

Conclusions

On le constate, le prix est plus ou moins le même avec un espace de stockage de 1To utile. La puissance de calcul est largement suffisante dans les deux cas pour une petite structure avec plusieurs utilisateurs concurrents. Je n’ai cependant pas fait de benchmark à ce sujet, mais je suppose que le Dell supportera mieux la montée en charge.

Sur le plan de la durabilité, nous sommes confrontés à deux critères :

  • La consommation d’électricité (très largement en faveur du Banana Pi, 10x moins que le Dell).
  • La réutilisation de composants informatiques en occasion (point fort du Dell à qui on offre une seconde vie).

Un réflexe naturel nous inciterait à sélectionner le Banana Pi pour son appétit d’oiseau, mais l’article Environnement et informatique : croyances et idées reçues, basée sur une nouvelle du site greenit.fr, nous démontre le contraire. Il est largement préférable de sélectionner l’occasion dans la mesure où les plus gros impacts environnementaux et sociaux se produisent à la fabrication et non à l’utilisation. La solution Optiplex coûtera certes plus chère en électricité si elle tourne 24 heures sur 24, mais le gain de consommation d’un matériel moins gourmand mais neuf ne parvient pas à contrebalancer le coût environnemental et social de sa fabrication.

Une analyse plus poussée devrait cependant être réalisée pour en être vraiment certain. En effet, le Banana Pi reste une technologie low tech, très peu consommatrice, même à la production.

Sur la base de mes expériences, il faudrait donc réserver le Banana Pi au réseau domestique ou pour des buts pédagogiques (écoles) et libristes. Pour la petite entreprise ou l’association, il faut s’orienter vers le PC de bureau de gamme professionnelle d’occasion ou à la rigueur un boîtier à basse consommation plus robuste que le Banana Pi, comme un PCEngine (APU). Mais quoi qu’il en soit, il faut s’orienter vers une solution libre comme OVM. D’autres distributions existent d’ailleurs dans ce domaine (comme Freenas) et permettent une émulation positive.


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